Le Bal du nouveau monde
Une fresque populaire en deux spectacles...
On dirait qu’on serait en 2082.
Le monde se serait effondré, et on serait en train de le reconstruire.
On aurait quitté les grandes métropoles, et on vivrait dans des petites communes.
Comme chaque année depuis la prise de la Banque Centrale Européenne, on se retrouverait pour le “Bal du nouveau monde”. Au programme : assemblées populaires, théâtre et réjouissances.Et cette fois, avec la troupe du Ring Théâtre, on aurait monté un grand spectacle épique, une sacrée fresque historique en plusieurs épisodes.
Et là, sous les étoiles, on rigolerait pas mal en écoutant les vieilles histoires des années 2020.
Et ça nous ferait quand même quelque chose d’être là tous ensemble, à rejouer comment tout a commencé. Avec Louise et Camille. Avec la révolte des jardins et la grève des boucher·ères…
Louise et la révolte des jardins
Un épisode du Bal du nouveau monde

Louise est postière dans une ville de province. Derrière la maison de sa grand-mère, il y a des jardins ouvriers qui risquent d’être bétonnés par un projet d’écoquartier. Dans ce trou de verdure, humains et non-humains coulent encore des jours heureux, loin du fracas de la ville et des machines.
Un peu plus loin, il y a Lenny, un maraîcher nouvellement installé et déjà menacé par la brutalité du système agro-industriel…
Mais Louise n’a pas l’habitude de se laisser faire. Elle n’abandonnera pas son monde à la voracité des promoteurs.Des jardins populaires aux réunions d’urbanisme, du tribunal administratif aux barricades, des promesses de développement durable à la révolte des jardins, le progrès n’est peut-être pas là où on l’attend…
Camille et la grève des boucher·ères
Un autre épisode du Bal du nouveau monde

Camille est infirmière au collège de Kerkigerec, à deux pas d’un abattoir de la firme agroalimentaire Managarm. Du jour au lendemain, la présidente du groupe décide de fermer l’abattoir, menaçant les habitant·es de perdre leur emploi.
Face à la détresse des élèves et de leur famille, Camille se met en tête de rencontrer la présidente de Managarm pour la convaincre de revenir sur sa décision.
Des piquets de grève aux plateaux télé, de la défense de l’abattoir aux manifestations véganes, du fantasme d’une start-up nation aux rêves contrariés de SCOP, Camille cherchera où se tenir dans une lutte où la violence n’est pas forcément là où on l’attend.
Une création collective
du Ring Théâtre
texte
Jana Rémond
mise en scène
Guillaume Fulconis
assistante mise en scène
Morgane Cornet
scénographie, régie plateau
Gala Ognibene
son
Jehanne Cretin-Maitenaz
lumière
Elias Farkli
costumes
Floriane Gaudin
habillage
Odrée Chaminade, Lucie Marchand
comédien·nes
Cantor Bourdeaux, Juliette Chaigneau, Laure Coignard, Charlotte Dumez, Audrey Montpied, Christophe Pichard, Kévin Sinesi, Julien Testard
conseil artistique, documentation
Claire Arnoux
administration, production
Hélène Barillot, Guillaume Fulconis
diffusion, production, communication
Valentine Palanghi, Julien Testard
Coproductions
Le Grrranit – Scène nationale de Belfort
EPCC Théâtre de Bourg-en-Bresse
La Maison – Maison de la Culture de Nevers Agglomération
Eclats de rue/Ville de Caen
CDN de Besançon-Franche-Comté
Les Scènes du Jura – Scène nationale
Espace des Arts – Scène nationale de Châlon-sur-Saône
TMG – Théâtre municipal de Grenoble – ateliers décors
Soutiens
DRAC Bourgogne-Franche-Comté, Région Bourgogne-Franche-Comté
Département du Doubs
Ville de Besançon
Pays de Montbéliard Agglomération
Communauté de Communes de Bresse-Revermont
Théâtre de l’Unité à Audincourt
CEN construction
SPEDIDAM – société de de perception et distribution des droits des artistes interprètes
En savoir plus sur le spectacle
Et si nous donnions à nos fables sociales crues et brutales un cadre utopique et serein ? Et si ces fables n’étaient que le théâtre d’un
temps futur, le théâtre des survivant·e·s au grand effondrement global de nos sociétés d’inégalités et de surexploitation ? Et si ces histoires étaient celles que se jouaient nos descendant·e·s devenu·e·s plus sages pour se rappeler nos folies et nos excès, pour garder la mémoire « du temps de la Grande Précarité » qui a précédé l’effondrement global ? Et si nos héroïnes du quotidien étaient devenues les fondatrices d’une société meilleure ? Et si elles n’avaient jamais existé que dans une sorte de grand théâtre antique du futur dans lequel nos descendant·e·s se (re)joueraient leurs mythes fondateurs comme le faisaient nos ancêtres ?
Nous inscrirons donc notre spectacle dans le genre populaire et contemporain du récit post-apocalyptique. À ceci près que nous en prendrons le contrepied pour proposer un récit utopique alors qu’il s’agit la plupart du temps de dystopies. Il s’agira d’une rêverie ludique, d’une promenade poétique qui fournira un univers cohérent pour raconter nos trois fables, qui, elles, parleront bien de notre temps présent, mais sous la forme de flash-backs. Une façon de proposer au public avec humour et légèreté de prendre du recul sur l’histoire
qu’on lui présente.
Vu d’un futur plus sage, il est à parier que bon nombre de nos conduites et de nos évidences paraîtront absurdes et incompréhensibles. Il s’agira de s’en amuser, de se révolter parfois, en s’invitant à la fête théâtrale que se donneront nos descendant·e·s dans quelques décennies pour ne pas nous oublier. «Un Bal du nouveau monde»pour se rappeler «le temps de la Grande Précarité», et comment les hommes et les femmes de l’ancien monde, c’est-à-dire nous, (sur) vivaient.
Le Ring Théâtre
Le Bal du nouveau monde
chroniques du temps de la Grande Précarité
Entretien avec le metteur en scène Guillaume Fulconis et l’autrice Jana Rémond, réalisé par le Centre Dramatique National de Besançon-Franche Comté.
Avec votre précédent spectacle Edouard II, vous cherchiez à atteindre un « grand théâtre populaire ». Qu’entendiez-vous par-là ?
Guillaume Fulconis, metteur en scène. – L’expression a été si souvent galvaudée ou méprisée, qu’il est parfois difficile de s’en réclamer sans être suspect de ringardise, de simplisme, de vulgarité, voire de populisme… Nous n’en avons pourtant pas trouvé de meilleure ! Le théâtre populaire, c’est vouloir s’adresser à tout le monde – ce qui ne veut pas forcément dire plaire à tout le monde. C’est travailler sérieusement avec ce qu’implique cette volonté sur la mise en scène, sur le jeu, sur l’écriture… Il s’agit d’être explicite sans être lourdingue, d’être poétique sans être nébuleux. C’est considérer la mise en scène avant tout comme un geste de clarté. C’est s’adresser à l’intelligence, à l’humour, à la sensibilité du public et non à une culture supposément partagée. C’est un art difficile qui a pour ennemis le snobisme et l’ennui. Le théâtre élisabéthain, auquel nous nous sommes frottés avec Edouard II, est évidemment une excellente matière à théâtre populaire. C’est un théâtre à la fois naïf et savant, fait de grandes histoires immédiatement accessibles à toustes, un théâtre qui se joue aussi bien sur les plus grands plateaux qu’en plein air… un théâtre épique.
Et c’est donc tout naturellement que vous en êtes arrivés à vous intéresser à l’inventeur du théâtre épique qu’est Bertolt Brecht…
G. F. – Il est aussi un continuateur du théâtre élisabéthain dont il oppose la puissance épique et historique au moralisme psychologique du théâtre bourgeois de son temps. Il le fait, bien sûr, en communiste, en matérialiste historique. Aux rois et reines, Brecht substitue celleux qu’on a toujours vu comme des « petites gens », ouvrier·ères, paysan·nes, chômeur·euses… et aussi beaucoup de militant·es. En les dotant de rôles épiques (qui affrontent leur « destin », c’est à dire au fond leurs oppresseurs), en ne les réduisant pas à de simples protagonistes d’un drame social, il leur rend leur dignité. Son sujet, c’est le surgissement du peuple en tant qu’acteur historique.
Brecht est aussi un formidable chroniqueur historique. Il existe une pièce de Brecht sur à peu près chaque crise politique, chaque lutte sociale de son temps. Dans une diversité de styles foisonnante, il brosse la fresque globale d’un monde en crise, prêt à basculer dans la guerre. Un monde rongé par les inégalités et l’exploitation, un monde au bord de l’effondrement. Un monde qui, à vrai dire, a tout du notre. Car, comme à son époque personne n’aurait pu être certain que le fascisme ne triompherait pas ou que l’anéantissement atomique n’aurait finalement pas lieu, nombreux sont celleux qui envisagent sérieusement la possibilité d’un effondrement global de nos sociétés. Sauf que cette fois ce n’est plus « seulement » la surexploitation des humains qui est en cause, mais celle de la planète toute entière.
C’est pourquoi nous avons choisi de ne pas mettre en scène Brecht. Nous avons choisi d’être fidèles à l’esprit plutôt qu’à la lettre. Nous avons voulu être des fils et des filles de notre temps, brosser nous aussi notre fresque d’un monde contemporain au bord de la rupture, être des chroniqueur·euses de ce temps de grande précarité.
C’est donc inspirés par Brecht que vous avez entrepris l’écriture collective d’une grande fresque en trois parties, qui chacune fait le portrait d’une de ces trois héroïnes puissantes que sont Louise, Camille et Rosa.
G. F. – Chaque récit met en scène un acte différent de résistance héroïque dans un monde rongé par la précarité et la surexploitation. A chaque fois, l’élément déclencheur est une injustice concrète, locale… Nous voulions montrer la richesse, la complexité et la tendresse de ces multiples vies militantes – et ce sont souvent des femmes qui sont en première ligne – trop souvent moquées, méprisées ou caricaturées… parce que jugées trop radicales, trop agressives ou que sais-je… Nous voulions à notre manière rendre une dignité à la tendresse âpre de celleux qui usent leur vie à défendre celles des autres.
Trois récits, trois fables parallèles, c’est aussi une tentative de donner un peu de cohérence à notre monde morcelé. Un rêve de convergence des luttes en quelque sorte…
De quoi ces trois femmes sont-elles le nom ?
G. F. – Louise a un bout jardin qui risque d’être bétonné par l’urbanisation galopante. Mais elle n’a pas l’habitude de se laisser faire. Sa révolte, c’est notre rage face à l’artificialisation des sols, la perte de biodiversité, la destruction de la beauté, l’accès de plus en plus difficile à la terre pour les paysan·nes d’aujourd’hui…
Camille travaille dans le collège d’une ville de province sinistrée par les délocalisations industrielles. Les élèves crèvent de la misère de leurs parents. Sa tentative désespérée pour interpeller les puissants de ce monde, c’est notre désir, simple et naturel, de pouvoir vivre et travailler au pays…
Rosa se rêvait en justicière. Dans son commissariat, elle se demande pourquoi elle traque les migrants et pauvres gens plutôt que les méchants. Ses doutes, c’est notre intuition que toute cette sécurité, ça va finir par mal tourner…
Louise est postière. Camille, infirmière scolaire. Rosa, policière… Il s’agit peut-être aussi d’une sorte d’ode à nos défunts services publics.
J. R. – Ces trois héroïnes portent également un peu en elles les trois femmes qui les incarnent. Plus encore que pour les autres personnages, ces trois héroïnes ont été créées en étroite collaboration avec leurs actrices, dont les questionnements et situations personnelles de militantes ont fortement influencé le caractère général comme la langue et le discours. Il est d’ailleurs assez touchant de constater l’évolution de ces figures au fil du travail et des échanges, ainsi que des interviews que nous avons pû réaliser ensemble pour nourrir notre travail.
Pour ce Bal du nouveau monde, la compagnie fait appel à Jana Rémond, dramaturge. Comment avez-vous procédé pour élaborer ce que vous revendiquez être une création collective ?
G. F. – Jana n’avait pas encore rejoint la compagnie quand nous avons commencé à travailler sur le projet. J’avais commencé par faire travailler les comédien·nes sur des scènes-clés des pièces des Brecht qui m’intéressaient. Puis, je leur ai assez naïvement demandé d’improviser, en transposant leurs rôles dans le monde contemporain. Ça a tout de suite collé. Grâce à l’inventivité des interprètes, l’aviateur sans avion de La bonne âme du Se-Tchouan est devenu un jeune paysan sans terre. La bénévole de l’Armée du Salut débordée face à la pauvreté du Chicago de la Grande Dépression est devenue une infirmière scolaire submergée par la misère des familles de ses élèves… Les situations semblaient immédiatement justes et familières, les enjeux complexes et poignants. Nous avons filmé ou enregistré les improvisations. Je savais déjà que j’avais là une matière à théâtre exceptionnelle. Mais je ne savais pas comment aller plus loin. Pour le texte, je ne pouvais me contenter des mots improvisés par les comédien·nes. Le sujet méritait un véritable traitement poétique et littéraire. Et puis certains sujets dont nous n’étions pas spécialistes (l’agriculture, la police, le travail social, l’éducation nationale…) demandaient plus de précision et de documentation que nos intuitions théâtrales. Je n’osais pas passer une commande d’écriture. J’avais peur, en laissant trop liberté à l’auteurice, de me retrouver avec une pièce trop éloignée de ce dont nous avions rêvé. En contraignant trop, j’avais peur de me retrouver avec un texte froid et impersonnel. Il m’aurait presque fallu quelqu’un qui travaille comme les dialoguistes du cinéma américain à partir du scénario proposé, un·e artisan·e. Le projet est donc resté dans un tiroir pendant deux ans. Et puis en discutant de tout ça avec l’autrice Magali Mougel, elle m’a dit : « tu as besoin que quelqu’un qui sache écrire des comédies ! Est-ce que tu connais Jana Rémond ? » Je l’ai appelé, lui ai demandé de venir en répétition pour écrire une scène à partir d’une impro, j’ai su que c’était bon.
J. R. – L’écriture de plateau est une notion qui englobe des processus d’écriture très différents, et chaque création collective nécessite de réinventer sa propre méthode. Sur ce projet, nous avons procédé en allers-retours réguliers entre le plateau et l’écriture : à partir des improvisations des comédien·nes et du travail de recherche documentaire complémentaire était proposée une version écrite de la scène, mise à l’épreuve du plateau, avant d’être de nouveau réécrite… Il s’agit là vraiment d’une pratique artisanale et collective de l’écriture, et c’est une grande richesse que de pouvoir s’appuyer sur la force collective, se charger des univers, des énergie, des couleurs, des réflexions personnelles et des délires de chacun·e. Il est en outre très agréable en tant qu’auteurice de pouvoir s’appuyer sur une thématique précise et un canevas classique qui a su prouver son efficacité, mais d’avoir la liberté de se les approprier, avec sa langue propre, et de jouer des contraintes. Pour donner un exemple, lors de l’improvisation de l’une des scènes clé de l’épisode 2, où l’héroïne se rend au domicile d’une élève afin de rencontrer ses parents, un des acteurs s’est mis à jouer un chien. Malgré mon manque évident d’enthousiasme à l’idée de devoir intégrer un chien à la scène, Guillaume a insisté pour garder celui-ci. Suite à quoi, le chien s’est vu gratifié d’un monologue empreint de mythologie nordique et est devenu l’un des rôles clé dans la dramaturgie de l’épisode.
La pièce se passe dans un futur relativement proche. Pourquoi avoir choisi de nous déplacer dans le temps pour nous parler d’aujourd’hui ?
J. R. – En effet, les trois récits que ces acteurices de 2081 nous racontent pourraient exister indépendamment de cette fiction future. Cependant, il nous paraissait nécessaire de décaler ces histoires dans le temps pour plusieurs raisons. Tout d’abord, nous avions à cœur de raconter l’histoire de luttes qui, comme pour la majorité des luttes, échouent – même si le fait de lutter est déjà en soi une victoire. Nous ne voulions pas annihiler dans l’œuf toute volonté de révolte chez des spectateurices désespéré·es face à cet amer constat. Et l’importance de ces combats, de ces petites pierres qui dévalent et finissent par entraîner une avalanche, ne se perçoit qu’avec une certaine prise de recul. C’est cette prise de recul que permet ce déplacement, celle de nos descendant·es rejouant ces petites histoires des « petites gens » entrés dans l’Histoire, qui ont participé à fonder un nouvel imaginaire, de nouveaux héros, ou plutôt de nouvelles héroïnes.
Cette prise de distance nous permet également et de donner aux spectateurices quelques bribes de ce monde d’après, tel qu’il pourrait être suite à un effondrement global, sans tomber dans le genre du post-apocalytique et le sentiment d’accablement qu’il ne manquerait pas de faire naître ou de faire l’apologie du survivalisme. Que serait un monde d’ « après », un peu mieux nous l’espérons que celui d’avant, mais toujours en reconstruction ?
En juin prochain nous pourrons découvrir les deux premiers épisodes de ce Bal du nouveau monde sur le parking de la Friche à Besançon, comment imaginez-vous occuper cet espace en extérieur ?
G. F. – Les pièces Louise et Camille seront en effet jouées en alternance, puis en diptyque le dernier soir – c’est la formule « intégrale » que nous affectionnons particulièrement. La pièce Rosa, dont l’écriture s’achève en ce moment, sera créée l’année prochaine.
Au Ring Théâtre, nous avons l’habitude de toujours proposer nos spectacles à la fois en salle et en plein air pour toucher un public le plus large possible. Nous avons remarqué que le plein air convient parfaitement à nos désirs de théâtre populaire. Le spectacle a été créé en salle l’automne dernier, et nous sommes ravi·es de le « sortir » pour la première fois à Besançon, notre part d’attache, avec la complicité bienveillante du CDN.
Les spectacles de grande ampleur comme le Bal du nouveau monde acquièrent toujours une dimension festive, une joie et une poésie supplémentaires lorsqu’ils se déroulent sous les étoiles… nous ferons en sorte que la soirée se poursuive tard dans la nuit. Il y aura des lampions, de la musique, on pourra manger et boire un verre toustes ensemble… et même danser ! Car sinon, ce ne serait pas tout à fait un « bal du nouveau monde »…